A l'orée de la forêt se dresse cet ancien campement : une maison perchée dans les arbres, une tente éventrée dont les pans flottent au vent, un drapeau défraîchi par la pluie et le soleil -non, juste la pluie, honnêtement- et quelques trésors oubliés derrière. Une paire de jumelle, des pins en capsules de boisson et épingles à nourrice, une toque minuscule en peau d'écureuil. Le camp scout de la Grenouille a été déserté par des blancs-becs qui n'étaient pas préparés à la terrible guerrilla contre les Salamandres, mais ce cimetière continue d'exister, habité par des personnes aussi aventureuses que les scouts d'antan.

Au milieu de la forêt dense, il arrive parfois, lorsqu'on se perd assez loin et qu'on ne panique pas, de tomber sur ce bel endroit, où le feuillage est plus clairsemé et où la lumière tombe en pluie sur une herbe presque trop verte. Il est parfois possible d'apercevoir les pas de quelque animal venu se prélasser là avant votre arrivée, sans jamais pouvoir pister sa trace derrière les fourrés. Cette clairière est presque top belle pour être vraie -et c'est peut-être tout le piège.

Il est presque introuvable, seules quelques personnes peuvent prétendre s'être baignées dedans. Recouvert d'une brume constante, le clapotis de l'eau semble être la mélodie de douze mille sirènes qui reprendraient vos plus beaux fantasmes en rêve. L'eau n'a rien des plages tropicales, elle es opaque, étrangement épaisse contre vos jambes, et nul ne sait ce qui rôde sous la surface.

Comment a-t-elle poussé là ? Personne ne sait. Avant il n'y avait rien à cet endroit et un beau matin cette bâtisse avait poussé, en ayant l'air d'avoir déjà trop d'années d'existence, presque prête à s'effondrer devant vos yeux. On pourrait penser qu'elle n'a jamais été habitée, si ce n'était pour les dessins d'enfant et la vaisselle prenant la poussière.